Depuis quelques jours,  je découvre l’Egypte de l’après-Moubarak, et ce alors que la place Tahrir n’est pas encore totalement déblayée. Notez que des manifestations s’y tiennent encore presque chaque jour et en particulier le vendredi, jour de prière. J’y serai ce vendredi et je vous la décrirai.

Ce qui m’a frappé au premier abord, c’est à la fois d’un côté l’extrême pauvreté (j’y reviendrai) et de l’autre une certaine forme de développement. Le plus marquant de ce dernier aspect c’est l’omniprésence des réseaux de GSM. Vous avez beau être au beau milieu du désert (qui n’est jamais loin ici), vous capterez un réseau, et avec toutes les barres s’il vous plaît.

Révolution égyptienne

Révolution égyptienne

Mais revenons au soulèvement égyptien tout récent. Beaucoup de commentateurs l’appellent la Révolution Facebook ou Twitter, soit. Mais ce qui est certain par contre, c’est que le téléphone portable a joué un rôle bien plus considérable dans la mobilisation des manifestants (en vrai) et du peuple tout entier (de plus loin).

Alors que les plus courageux se rassemblaient sur les places publiques, les citoyens lambdas se rassuraient, se réjouissaient, s’épaulaient via leur téléphone. Demandez aux Egyptiens (même jeunes) que j’ai croisés en une semaine s’ils ont suivi la révolution via Twitter, ils vous rient au nez. Par contre, tous étaient/sont rivés à leur écran de portable, y compris pour les paysans pauvres des zones les plus reculées ou les quelques femmes en niqab que j’ai pu croiser.

La généralisation des télés par satellites est aussi un phénomène qui peut expliquer la vigueur du mouvement populaire. Puisque les Egyptiens pouvaient regarder leurs évènements et leurs conséquences avec les yeux des autres, en particulier ceux d’Al Jazeera (donc dans leur langue), ils avaient les outils pour contrer la propagande que distillait le clan Moubarak sur les chaînes officielles. Imaginez mon étonnement lorsque j’ai parcourus les ruelles d’un village nubien du Sud du pays où chèvres anorexiques, chats malingres, poules et déchets plastiques jonchent la terre damée, mais où chaque maison possède son antenne parabolique.

Modem Egypte

Le modem duquel cet article a été envoyé, d'1 maison en terre de la campagne de Luxor

Le paradoxe est que parmi les quelques orientations positives prises par le régime cette dernière décennie, les accès à Internet, au téléphone portable et à la télévision satellitaire faisaient partie du lot. Evidemment, toutes ces avancés technologiques se sont accompagnées de juteux contrats dont les membres de la famille Moubarak au sens large ont pu tirer profit. En plein bouleversement révolutionnaire, le pouvoir totalement inconscient du fait qu’il avait fait entrer le loup (le GSM) dans la bergerie (l’état d’urgence), croyait pouvoir tirer profit de ces technologies pour distiller son message pour calmer les masses.

C’est ainsi que des SMS signés par l’armée (à l’époque toujours fidèle à Moubarak) ont été envoyés de force aux Egyptiens pour les inciter à rester chez eux. Cette façon de faire a amplifié le mouvement de révolte. Les militaires avaient loupé un aspect fondamental de cette nouvelle donne technologique : les citoyens peuvent partager ce qu’ils veulent entre eux, et une communication univoque est désormais vue avec méfiance. Juste après, les réseaux GSM étaient mis hors-tension. La rue en était d’autant plus sous-tension.

(à suivre)