Mémoire coloniale
Ecolo veut donner des outils à la Belgique pour assumer son passé colonial. C’est pourquoi je dépose aujourd’hui à la Chambre une résolution qui vise d’abord à établir les faits pour ensuite permettre la reconnaissance des responsabilités des diverses institutions belges dans la colonisation du Congo, du Rwanda et du Burundi. [NDLA : Une nouvelle version de la résolution, réécrite après les nombreuses consultations avec les autres partis politiques, a été prise en considération par la Chambre le 16 février 2017]
Malgré le temps écoulé depuis la fin de la colonisation belge, l’État belge et les institutions étatiques ou non-étatiques actives dans le processus colonial n’ont, à ce jour, entamé aucune démarche officielle en vue d’accomplir un réel travail de mémoire et de reconnaissance à l’égard de leur passé colonial. Dans les discours récents des représentants officiels de l’État belge, l’ambiguïté à l’égard du passé colonial reste le plus souvent de mise. La Belgique n’assume donc pas encore son passé colonial. Ce même constat s’impose pour les autres institutions belges qui ont pourtant joué un rôle crucial dans cette colonisation : églises, entreprises, presse, universités ou partis politiques.
Or, pour les écologistes, la colonisation est par principe un système de gouvernance antidémocratique et raciste qui a engendré de façon structurelle des exactions diverses, sur lesquelles toute la lumière doit pouvoir être enfin faite.
En 2003, le Sénat a décidé l’instauration d’un processus visant à établir un travail de mémoire au sujet du phénomène de la collaboration lors de la Seconde Guerre mondiale, par le vote d’une résolution alors adoptée à l’unanimité. En 2007, ce travail scientifique a abouti à un rapport rédigé par le Centre d’études et de documentation guerre et société contemporaine (CEGES) et intitulé : « La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale ». Ce rapport a ensuite fait l’objet d’une nouvelle approbation à l’unanimité des membres du Sénat.
Aujourd’hui, je m’inspire de cette approche méthodologique très efficace. La résolution déposée aujourd’hui demande la mise en œuvre d’une recherche internationale et interdisciplinaire permettant d’établir les faits et les responsabilités des diverses institutions belges sur les exactions commises entre 1885 et 1962.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement doit d’abord permettre de déclassifier toutes les archives, y compris les archives dites africaines des archives diplomatiques, les archives de l’Etat, les archives de la famille royale, les archives de la Sûreté de l’Etat et des services de renseignements militaires et tous les documents – quelque soit leur forme – qui peuvent faire lumière sur la colonisation. Il s’agit aussi de prendre les mesures nécessaires afin d’encourager les institution privées (églises, entreprises, particuliers, etc) à conserver, inventorier et déclassifier les documents et éléments qui peuvent faire lumière sur la période coloniale. Si la Chambre constate, à un moment donné, que ce travail de recherche est entravé, les Députés se réserveront le droit d’instaurer une commission d’enquête parlementaire.
Sur base du rapport définitif de l’équipe de recherche, les écologistes suggèrent à la Chambre de faire des recommandations et propositions au Gouvernement sur la façon la plus adéquate pour la Belgique de reconnaître la responsabilité des diverses institutions publiques et privées belges dans la colonisation. Le rapport sera également envoyé aux Communautés afin de permettre à celles-ci, par leur compétence en matière d’éducation, de transmettre cette mémoire coloniale aux générations futures.
Assumer son passé est un processus long, complexe et difficile. C’est aussi un chemin qui se doit d’être collectif. C’est la raison pour laquelle le Groupe Ecolo-Groen à la Chambre ouvre cette proposition de résolution à la co-signature de membres de tous les autres groupes politiques démocratiques.