Voici quelques jours, le mathématicien André Berger était l’invité de Matin Première sur la RTBF Radio. Son interview (que vous pouvez lire en intégralité ici) était pour sa quasi-totalité d’un grand intérêt de vulgarisation.

Mais en toute fin d’entretien, j’ai failli avaler ma tartine de confiture de travers lorsqu’il a déclaré :

« Les déchets nucléaires sont les plus sécurisés au monde. Vos déchets domestiques… tous les jours, le Belge moyen en rejette une quantité invraisemblable… sont bien plus dangereux. Alors, que dire des déchets chimiques, des déchets de biologie, etc… Les déchets nucléaires ne posent pas un problème. »

André Berger est un pronucléaire que je qualifierais d’historique, dans la même veine qu’un Pierre Klees ou que leurs coreligionnaires nourris alors au biberon scientifique de la vieille croyance en la technique prétendument miraculeuse (« une technique = une source = une énergie –> le nucléaire ») … mais 1958 … c’était il y a cinquante ans !

Non, les déchets nucléaires ne sont pas moins dangereux que les déchets ménagers ! Si ces premiers sont (peut-être) en sécurité pour le siècle à venir, que dire des siècles suivants ? Un déchet nucléaire est radioactif durant plusieurs siècles. Je constate que la mémoire collective humaine est courte. Souvenons-nous que personne ou presque ne savait localiser la conduite de gaz haute pression pourtant immense de Ghislenghien, avec les conséquence que l’on connaît ! Même si cette conduite était localisée par quelqu’un quelque part, ça n’a pas empêché un ouvrier de l’éventrer par accident. Il s’agissait pourtant d’une conduite à l’installation relativement récente (moins de 40 ans), dans un pays économiquement développé et bien organisé d’Europe occidentale, le nôtre !

En cette période estivale, de nombreux touristes visitent des sites historiques partout dans le monde. Pompéi, la Villa Aurea de Néron à Rome, Lascaux ou les bateaux échoués du Rhône à Arles sont autant d’exemples de lieux exceptionnels, autant de centres culturels ou politiques qui ont fait l’Histoire … tous oubliés et redécouverts bien après « par hasard ». Pour prendre un exemple plus proche de chez nous, à Bruxelles, on a redécouvert à la fin du XXème les restes du Palais dit de Charles Quint, dont les ruines sont aujourd’hui visibles sous la Place Royale. Ce lieu a été le centre du pouvoir impérial européen voici cinq siècles et n’a d’ailleurs cessé d’être le centre politique de nos régions depuis ! Ca n’a pas empêché qu’une quinzaine de générations plus tard, on ne se souvienne même plus de la localisation voire même de l’orientation Nord Sud initiale de ce palais qui pourtant emblématiquement dominait la Ville et ses habitants.

En mobilisant ces exemples, je veux montrer qu’en entreposant des déchets nucléaires, où que ce soit et avec toutes les précautions techniques qu’on puisse prendre aujourd’hui, on prend un risque, celui de voir la santé et la sécurité des générations futures qui oublieront certainement où ces déchets sont enfuis. Comme des centaines de générations l’ont fait avant nous pour d’autres endroits pourtant emblématiques et connus.

Wallons et Bruxellois francophones, nous vivons dans un monde médiatique archidominé par les médias français et donc par les débats politiques politiques en général et sur ceux de la question énergétique en particulier. A cela s’ajoute la circonstance aggravante que notre principal producteur d’électricité est la propriété exclusive du groupe GDF-Suez dont l’Etat français est devenu acteur minoritaire. La France et son élite est complètement pro-nucléaire et ses dirigeants pensent que la vente des technologies nucléaires françaises de par le monde lui permet d’améliorer son prestige politique sur la scène internationale, et accessoirement les comptes en banques des industriels amis de M. Sarkozy.

Mon avis est qu’en agissant de la sorte, la France participe très clairement à une forme larvée de prolifération nucléaire. On le voit en Iran, la frontière entre nucléaire civil et nucléaire militaire est une chimère que nos doux rêveurs pronucléaires agitent comme épouvantail.

Ces derniers temps, je ne passe pas une semaine sans rencontrer dans les lieux les moins écologistes qui soient des personnes actives dans le milieu des énergies renouvelables ou de simples candidats-clients de ces firmes qui fleurissent ça et là dans nos régions, tous les jours. Ces personnes qui ne sont pas écologistes comme je le suis sont pourtant arrivées à la même conclusion que moi : installer des panneaux solaires, des pompes à chaleur, des éoliennes ou toute autre forme d’énergie alternative est … rentable ! L’adage dit « bon pour le portefeuille & bon pour la planète », j’ajouterais aussi « bon pour la tête ». Ces investissements s donnent du sens à l’argent investi ou au métier de ces nouveaux entrepreneurs / employés. Ca aussi c’est important.

Pas un seul Francophone en Belgique ne peut ignorer qu’aujourd’hui, les compteurs d’électricité peuvent tourner à l’envers. Quelle image forte ! Je suis persuadé que nous sommes au tout début d’une modification réelle et substantielle de notre mode de consommation et de production énergétique. Je suis épaté par l’engouement que suscite aujourd’hui l’énergie photovoltaïque grâce aux mesures prises en autre par Evelyne Huytebroeck à Bruxelles.

Je suis de ceux qui parient sur l’enthousiasme intelligent en politique. Le bon sens veut que nous puisions vivre un jour dans un monde où notre façon de créer l’énergie que nous consommons ne soit pas source de danger pour nous et les générations futures. Les énergies renouvelables ne sont pas qu’un rêve, c’est déjà devenu la réalité quotidienne de milliers d’individus, nos proches, nos voisins. Les dinosaures sont du côté des énergies fossiles et fissiles. Et les dinosaures n’ont pas résisté à un changement climatique majeur voici quelques millions d’années. Ca aussi on vient de le redécouvrir … longtemps après.