J’écris ces quelques lignes alors qu’Obama a entamé une remontée significative dans tous les sondages de ces derniers jours. Il semble profiter des graves conséquences de la crise boursière, en articulant habilement son discours – et ce depuis le début de la campagne – sur l’économie et la santé tandis que l’effet Sarah Palin (dont je vous ai parlé ici) s’est amenuisé au fur et à mesure de plusieurs interviews-catastrophes totalement hilarantes. Je vous conseille les 3 caricatures que la comédienne Tina Fey de Saturday Night Live en a fait sur NBC, un véritable buzz de fin de campagne !

Mais je veux vous parler aujourd’hui de mon sujet fétiche : le nucléaire. Car même là-bas, au bout du monde, le nucléaire est présent. Très présent puisque dans les années 50 et 60, les Etats-Unis ont procédé à des essais (atmosphériques – sic ! – puis souterrains) de bombes nucléaires dans l’immense désert du Nevada, à 200 km de l’affreuse ville de Las Vegas. Cette dernière représente tout ce que je peux détester : argent louche et parfois facile, prostitution, consommation effrénée, déraisonnable, ostentatoire et écœurante. En plus, cette ville a la circonstance aggravante de produire chaque soir ce qu’il reste de Cher en alternance avec un Elton John devenu obèse comme 40% de ses hôtes ! Mais cette immonde contrée a un tout relatif joyau : The Atomic Testing Museum.

Les essais nucléaires font désormais l’objet d’une interdiction, suite à un traité signé par toutes les grandes puissances (surtout occidentales), ce qui n’a pas empêché la Corée du Nord de procéder à un tir « illégal » voici un an. Mais durant des décennies, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, des centaines de militaires et ingénieurs américains se sont succédés dans la petite bourgade artificielle du Nevada Test Site. Plusieurs dizaines de champignons atomiques ont donc fleuri à la frontière quasiment directe de Sin City. Ces essais nucléaires dont vous voyez les magnifiques et terrifiantes photos ici et  ci-dessus sont présentés comme des objets quasiment esthétiques (ce qu’ils sont … aussi).

J’ai appris quantité de choses lors de ma visite de ce musée très particulier. La première est que les Soviétiques étaient invités à chacune de ces joyeusetés ! Entre-nous, ce puéril spectacle me fait penser à ces jeux de gosses : « regarde c’est moi qui ai la plus grosse ». Mais entendons-nous, les Américains, les bons comptes font les bons amis, étaient invités pour le match retour dans les steppes russes !

Ensuite, ce musée nous replonge dans la merveilleuse ambiance des 30 glorieuses, avec ses films vantant les trois avantages du nucléaire :

  1. Sa capacité à nous défendre des méchants rouges (si j’en ai une plus grosse que l’ennemi, il n’osera pas m’attaquer, le problème, c’est que chacun en a chaque fois une plus grosse, y compris les « petits » qui eux aussi en veulent une grosse)
  2. Son potentiel énergétique qui semble illimité (le nucléaire civil, pas besoin de faire de dessin : ses déchets, son danger et son prix)
  3. Ses vertus thérapeutiques ! Alléluïa, la médecine nucléaire guérit certains cancers, le nucléaire est salvateur pardi ! Mais les bombes ou leurs essais (et les accidents nucléaires civils) ne créent-ils pas aussi ces cancers?

Chacune des salles composant cet intéressant musée est sponsorisée par une entreprise différente, active tantôt dans le traitement des déchets, la vente d’arme ou la construction de réacteurs civils. On voit où est l’intérêt ! Evidemment, il s’ensuit une orientation totalement assumée dans la façon de présenter les choses, comme par exemple justifier Nagasaki, lancée deux jours après Hiroshima, parce que « le Japon ne s’était pas encore rendu » ! Par contre, c’est objectif. J’ai pu jouer sur de très belles consoles informatiques et ainsi apprendre à classer les déchets nucléaires en fonction de leur durée de vie. Oui, vous pouvez légitimement vous demander à quoi j’ai passé mes vacances.     😉

Tout est du même acabit. Vous pouvez même entendre le témoignage de militaires visiblement atteints de cancers avancés vous dire à quels point ils sont fiers d’avoir participé à la défense du monde libre, avec toutes ses conséquences sur leur santé. La lettre d’Einstein enjoignant Roosevelt à débloquer des fonds de recherche en 1941-1942 pour parvenir à la réalisation de la première bombe atomique américaine est particulièrement mise en avant. Par contre, vous ne verrez rien du combat anti-nucléaire qu’Albert Einstein a ensuite mené tambour battant !

De nombreux films jalonnent le parcours du musée. A chaque fois, la proximité des hommes par rapport au champignon était frappante, voir alarmante. Le pire était cette image de militaires qui se voyaient donner l’ordre de sortir de leur tranchée dès l’éclosion du champignon. Après, on procède à des contrôles médicaux sur ces mêmes hommes, dont des mesures de radioactivité. Terrifiant.

Aujourd’hui, tout ça semble de l’histoire ancienne. Irréelle. J’ai vu une photo de touristes photographiant un champignon atomique … de leur chambre d’hôtel à Las Vegas ! Sin City. La foi en la technologie salvatrice était à son comble. Cette chose immense dont seuls quelques érudits maîtrisent le fonctionnement semblait alors mettre tout le monde d’accord.

Comme l’écrit le génial André Gorz (récemment disparu) dans son dernier recueil (j’y reviendrai sur ce blog), le nucléaire (militaire comme civil) est le sommet de la domination capitaliste. La bombe nucléaire en est l’ogive faîtière. Cette technologie profite (sic) à quelques (Etats) riches sans que la masse (mondiale) n’en comprenne le fonctionnement et ne puisse en conséquence en maîtriser la technologie. Les citoyens se sont vus dépossédés de leur devenir, de leur autonomie, si pas – pour les plus malchanceux – de leur santé, voire de leur vie.

Dans ce musée, sur toutes ces photos, dans tous les films, ingénieurs, militaires et ouvriers fument cigarette sur cigarette. A l’époque, on ne connaissait pas encore (si bien) les conséquences du tabagisme sur la santé. Période d’insouciance et de foi en la technologie je disais ?