Je suis revenu hier des USA, avec un paquet de matériel à vous exposer ici ! D’abord, j’aimerais vous parler de la teneur des débats tels qu’ils ont eu lieu aux Etats-Unis durant ces 3 semaines. C’est, de mon point de vue, symptomatique du fonctionnement politique et médiatique américain, ce qui explique des phénomènes qui nous semblent parfois absurdes ou énormes de ce côté-ci de l’Atlantique, mais qui sont cohérents dans leur contexte.

Je suis arrivé dans la très « libérale » Californie au moment où la Convention démocrate de Denver commençait, dans ce que les journalistes ont appelé le « momentum » (son pic de popularité et de visibilité médiatique) de Barack Obama. J’ai parcouru une vingtaine de coins (très) perdus de l’Ouest mythique et ultra-conservateur (Nevada, Utah et Arizona) lors de la nomination de Sarah Palin comme candidate Vice-Présidente, en pleine Convention républicaine. En l’absence quasi-totale d’accès internet, je suis resté l’oreille collée sur l’autoradio branché sur National Public Radio (NPR).

Cette radio sans publicité (sauf pour les fondations privées qui la cofinancent avec l’Etat) est un ovni dans le paysage radiophonique américain, surtout composé de médias contrôlés par les grands groupes (85% Live Nation / Clear Channel) et … les innombrables communautés religieuses, parfois reliées d’une façon ou d’une autre au Parti Républicain. Pour vous donner une idée, le lendemain de ce qui est devenu la bourde / boutade malheureuse d’Obama à propos de l’expression « lipstick on a pig » (j’y reviendrai), deux radios avaient temporairement modifié leur titre RDS en « The Pig » ou encore « KradioPig ». Je ne me suis jamais beaucoup attardé sur les radios évangélistes, mais ce jour-là, le commentateur sur lequel je suis tombé ânonnait des dizaines de versets de la Bible ayant un rapport, de près ou de loin, avec la cochonnaille. Délirant mais vrai.

A la radio en général, la publicité est omniprésente, mais à un point qui frise la nausée. Il m’est arrivé, dans les grande villes, à devoir faire fonctionner l’outil de recherche automatique plus de 5 minutes pour tomber sur un programme musical ou parlé. Partout … sauf sur NPR où des commentateurs sérieusisimmes vous entretiennent de l’actualité politique (surtout) économique et culturelle des USA, tout ceci entrecoupé d’intermèdes musicaux ringards. Mais, par rapport à ses consoeurs, c’est un média non partisan , qui a une influence certaine auprès des leaders d’opinion … mais un auditorat total certainement rikiki. Je vais le dire souvent, mais habituez-vous. On dirait qu’aux USA plus une chose est gigantesque (ici la pub radio et ses programmes ultra-partisans & religieux), plus son antidote l’est aussi (la vraiment très sobre NPR).

La fantastique Diane Rehm (la voix de Magda de Galan avec l’aplomb et l’envergure intellectuelle de Madeleine Allbright), par exemple, reçoit des invités de tout premier plan dans une ambiance détendue et intellotte très Côte Est. Quel contraste pour moi d’écouter en journée des arguments mesurés, construits, voire raffinés … pour ensuite me retrouver en soirée dans un resto d’un village de 350 habitants à deux tables de vrais cowboys (ça n’est pas une caricature !) d’Arizona se réjouir du discours simpliste et ultra-conservateur tenu le soir-même par leur nouvelle idole : Sarah Palin.

J’ai délibérément choisi de ne lire aucun des articles européens traitant de ce sujet venant de vous coucher mon impression sur ce phénomène politique vu de l’intérieur. J’ai l’impression que tout Européen, de tout bord politique, ne voit en cette icône régaenienne (« Tough & direct Talks », « Hockey Mom », « Mother of 5 », « Pro Life » exhibant littéralement son nouveau-né trisomique devant des millions de téléspectateurs, etc), qu’une grossière manoeuvre de diversion médiatique de la part de John McCain, dont peu d’électeurs seront dupes. Erreur.

Ca m’a étonné aussi de premier abord, mais la mise en avant d’une femme (en miroir à la défaite d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates), issue d’un Etat souvent oublié (à l’image des Etats composés de « little towns » de la Bible Belt, c’est à dire le Middle West) l’Alaska … marche, à 100 à l’heure. Le choix tactique de l’équipe républicaine est redoutable d’efficacité. Il met fin au sacré « momentum » d’Obama, 3 ou 4 jours après sa quasi-intronisation à Denver.

Sarah Palin incarne, d’une façon magistrale, par son attitude, le ton de sa voix, ses positions et la mise ne scène de sa vie tout ce qu’il manquait à John McCain dans sa course face à Barack Obama : jeunesse, féminité, position (& actes !) « pro life », nouveauté, ruralité et surtout … une candidate issue d’un Etat-clé dans l’articulation de la politique envisagée par les Républicains en matière d’énergie : le simpliste mais efficace « drill now », y compris et surtout dans cette mini-Russie / mini-GazProm, j’ai nommé l’Alaska.

Je reviendrai plus tard dans un article strictement consacré à l’énergie américaine mais Palin est parvenue, comme peu avant elle, à incarner cette Amérique provinciale et traditionnelle, faite de valeurs familiales, d’hommes et de femmes vivant sur Mainstreet (souvent la seule rue du coin), qui sortent ensemble au Collège (puis se marient ensuite) et prient à l’une des différentes Eglises le dimanche, croient en la mission donnée par Dieu à l’Amérique (dixit Palin) et envoient dès lors leurs fil-le-s  se battre pour la patrie. Ils ne sortent jamais de leur « Great Country », mais pourquoi le feraient-ils d’ailleurs ? Il se suffit en soi. Croient-ils.

La mise ne valeur de ce que d’aucuns estimeraient des valeurs « plouques » est devenue un terrible avantage comparatif dans la course politique. Tout cela dans le contexte américain de cette importance du centre (politique et géographique) que je vous expliquais déjà ici.

La suite demain car le décalage horaire m’entraîne déjà dans les bras de Morphée.

PS : La photo, prise à Monument Valley, est évidemment une boutade …    😉