Mercredi dernier, écolo j Bruxelles organisait à l’ULB son deuxième débat sur les élections américaines, appelé « Deconstructing Obama ».  Cette soirée a fait salle comble ! Presque 200 personnes ont participé aux échanges de vue, que les j bruxellois m’avaient demandé de modérer.

Revenir à l’ULB, là où j’ai passé 8 ans de ma vie, dans un lieu qui m’a littéralement construit, c’est toujours quelque chose pour moi. Comprendre et faire comprendre là-bas un thème que j’ai déjà abordé à plusieurs endroits dans ce blog aiguisait encore plus ma curiosité et mon plaisir.

Quatre intervenants passionnants ont tenu en haleine les nombreux spectateurs sur ce qu’Obama, maintenant élu, allait pouvoir réellement accomplir comme Président des Etats-Unis. Un débat du même genre avait été organisé en octobre 2008 sur l’élection elle-même. Cette session-ci s’attardait à l’après-scrutin et aux premières semaines du nouveau Président américain. Voici en très résumé les principales idées qui se sont échangées à cette occasion.

Gerald Loftus est un ancien diplomate américain, il est aujourd’hui le représentant des Democrats Abroad Belgium. Il tient aussi un blog qui relate la vision des Etats-Unis qu’ont les Européens: Avuncular American. Son intervention  s’est axée essentiellement sur le système de financement des campagne  électorales américaines et ses conséquences sur le monde politique en général.

Le coût total des multiples campagnes qui ont pris place en novembre 2008 a atteint le record de 5,3 milliards de $, dont 2,4 milliards uniquement pour l’élection présidentielle. L’essentiel du travail d’un député, sénateur ou gouverneur en place consiste donc à trouver les moyens financiers qui lui permettront de pouvoir mener campagne pour sa réélection. On estime qu’un député dépense en moyenne 1,3 million de $ par campagne ! Le « grassroot movement » d’Obama semble persister. Des donations ont encore lieu, alors que le Président est élu ! Ce nouveau réseau de millions de petits donateurs (moins de 100 $) pourrait s’avérer fort utile si le Président devait, par les décisions qu’il prend,  mécontenter les gros donateurs. Ceux-ci consistent essentiellement en d’importantes entreprises qui exercent un lobbying intense sur les acteurs politiques américains … par l’argent qu’elles leur déversent.

Katya Long est chercheuse à l’Institut d’Etude Européenne de l’ULB. Elle est spécialiste de la politique américaine contemporaine. Pour elle, Obama réincarne de façon magistrale le rêve américain. C’est ce qui permettra vraisemblablement aux Etats-Unis de pouvoir réexercer leur « soft power » , alors que les années Bush ont privilégié le langage et les actes guerriers du « hard power ». Cette nouvelle « puissance feutrée » est particulièrement visible quand on on regarde tous les hommes politiques, dans le monde entier, tentant de s’identifier à Obama et de surfer sur son immense vague de popularité planétaire.

Sur le plan de la politique étrangère, Barack Obama est un « libéral interventionniste » typiquement clintonien. Katya Long a insisté sur le fait que du point de vue états-unien, le leadership américain n’est pas négociable. C’est un fait. Enfin, les premiers actes posés montrent un intérêt premier (et nouveau) pour l’Asie, une main tendue vers l’Iran, un réinvestissement massif des interventions militaires de l’Irak vers l’Iran et une revalorisation du multilatéralisme en général et de l’ONU en particulier.

François Heinderyckx est professeur de communication à l’ULB. Il est le spécialiste belge de la communication politique. Pour lui, le principal problème de communication de l’équipe Obama est la gestion de la déception. Les attentes sont énormes, or le Président va devoir composer avec la réalité. Malgré tout, il semblerait que le charisme d’Obama soit gigantesque. Il aurait un pouvoir de conviction sans arrogance qui lui donnera un avantage dans les futurs démêlés qu’il va inévitablement avoir avec le Congrès ou la presse.

L’outil internet qui a été si efficacement utilisé lors de la campagne pourrait s’avérer à double tranchant. Faire campagne est un autre métier que celui de gouverner. Des décisions présidentielles comme les forums en ligne sur www.whitehouse.gov ou la décision de laisser consultable au public durant 5 jours les décrets présidentiels avant qu’ils ne soient signés et de permettre aux citoyens de réagir à leurs sujet … peuvent s’avérer une source énorme de frustration citoyenne. A quelles questions répondre (il y en a des milliers) ? Quelle est la légitimité d’une question par rapport à une autre ? Enfin, les journalistes qui après le 11 septembre 2001, ont eu une tendance à l’indulgence pour la Présidence semblent vouloir prendre leur revanche.  On dit à Washington qu’ils ne feront pas de cadeau à Obama.

Hubert Bedoret est le directeur politique adjoint d’Ecolo. Il est spécialiste des matières environnementales. Il a axé sa présentation sur les enjeux auxquels l’Administration Obama va devoir faire face en matière de négociations climatiques, soit l’après Kyoto. Obama est pour lui dans un contexte où, en la matière, il ne peut que réussir après Bush, négationniste des changements climatiques et hyper-proche des lobbies pétroliers. Il semblerait que le nouveau président soit également très proche d’un autre lobby, celui des agro-carburants. Obama a clairement indiqué que ses 3 priorité de son mandat étaient la fin de la guerre en Irak, la gestion de la crise économique conséquente à la crise financière et … l’environnement.

Par rapport à Bush, l’entourage d’Obama pour les matières qui touchent à l’énergie et à l’environnement est clairement scientifique et pas religieux. Ce qui doit rassurer. Cependant, le chemin à parcourir est absolument titanesque. Les Etats-Unis sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre du monde, en valeur absolue (rattrapés récemment par la Chine) et par habitant. L’American Way of Life est totalement en contradiction avec les principes du Développement Durable. Il est très peu probable que les Américains, même sous Obama, ratifient Kyoto. L’échéance est trop rapprochée (2012) et les objectifs sont totalement inatteignables. Par contre, une réintégration symbolique dans le processus de Kyoto est envisageable, tout comme la participation active à la Conférence de Copenhague. Les USA veilleront alors à reprendre aux Européens le leadership qu’ils avaient acquis en matière de politique à mener contre les changements climatiques.

To be continued