Une chose est commune à toutes ces rencontres de campagne : c’est la vision négative du politique. Quantité de fois, on m’a dit : « rien ne changera ». Ou mieux : « qu’avez-vous à m’offrir » ? Je ne vais pas revenir sur cette question du clientélisme que j’ai abordée à deux reprises (ici et ici) sur ce blog précédemment.

J’aimerais ici vous raconter l’histoire d’un homme que j’ai rencontré à deux moments lors de cette campagne. La première fois, il faisait partie d’un groupe de distributeurs pour des candidat.e.s cdH, au marché de Laeken. Pour la petite histoire, mes collègues militant.e.s d’Ecolo avions eu quelques soucis avec plusieurs membres de son équipe. Alors que nous étions au même endroit depuis une heure et demi, ils s’y sont imposés, en distribuant leurs tracts sur … le nôtre. Ceci alors que nous étions en pleine discussion avec des citoyen.ne.s. passant par là. Ca a commencé à chauffer. Puis, le gars qui semblait coordonner la distribution est venu me trouver en me disant : « si tu cherches un boulot, viens me trouver« . Amusant.

Le 13 juin dernier, en allant voter au Palais du Midi, je croise un distributeur pour Souad Razzouk au croisement du Boulevard Lemonnier et la rue van der Weyden. Je lui signale gentiment que ce qu’il fait est interdit. En effet, le règlement communal interdit de distribuer un quelconque outil de campagne à proximité des bureaux de vote le jour d’une élection. Il me répond violemment « mais je gagne ma vie comment ? ». Alors s’engage une discussion et je lui dis : « je vous signale simplement que vous risquez des problèmes avec la police si elle vous trouve en train de distribuer ceci, on ne vous l’a pas dit ? « . Et puis il me répond : « mais je vous connais, vous étiez à Laeken l’autre jour« . On a commencé alors une discussion.

Ce trentenaire est sans-papier, et ne peut donc pas travailler – enfin – très difficilement, légalement parlant. Il distribue Souad Razzouk comme il distribuerait n’importe qui. Il m’a expliqué l’énorme difficulté qu’il a à obtenir des papiers. C’est alors que vous prenez toute la mesure de l’absurdité et la violence de sa situation. Il subit une procédure kafkaïenne de régularisation qui a été officialisée par circulaire ministérielle … finalement cassée par le Conseil d’Etat. Alors que la Députée Zoé Genot avait dénoncé depuis le début le caractère fragile et peu rassurant de la circulaire (il fallait une loi !), le Secrétaire d’Etat Melchior Wathelet a persisté. Résultat, perte de temps, d’argent, d’énergie et d’espoir. Notre faux-militant cdH, doublement illégal, distribuait donc des tracts pour le parti qui est responsable de la politique dont il est la victime ! Absurde, mais vrai.

En 2008, j’écrivais : « L’aide sociale, la bourse d’étude, le logement social ou l’emploi public ne sont pas des marchandises négociables contre un vote . Ce sont des droits. Chacun doit avoir l’occasion d’y prétendre si elle ou il  remplit les critères objectifs et justes qui ont été fixés pour en bénéficier. » J’ajouterais aujourd’hui : « et pareil pour les papiers ! »