Atomisé à donf'
La récente démission catastrophe de Didier Donfut, ministre wallon le jour, consultant énergétique la nuit, a noyé le débat politique de fond qui devrait normalement naître d’une campagne électorale. Oui, comme tout-es les citoyen-nes, je suis outré de voir le membre d’un exécutif arrondir ses fins de mois par de la consultance pour des intercommunales sur une matière (l’énergie) gérée par le gouvernement dont il fait justement partie ! Tout ça dans une joyeuse confusion d’intérêt.
Ce qui me fâche le plus dans cette affaire, c’est que d’aucuns considéraient à l’interne du PS que Donfut était … un rénovateur. J’ai des amis socialistes, des gens compétents, intègres, avec qui je ne suis pas politiquement d’accord, mais qui sont parfaitement respectables, avec qui on peut débattre, se battre et éventuellement construire. Ce qui leur arrive aujourd’hui est terrible, mais n’en demeurait pas moins prévisible. Que ces vrais rénovateurs saisissent l’occasion pour réellement et définitivement secouer le cocotier, sans se contenter de ne rénover que la façade du Boulevard de l’Empereur.
Mais venons-en au fond.
Le débat nucléaire (mon dada) a rebondi ces derniers jours, à la faveur de deux documentaires diffusés récemment sur la Une (RTBF) : « Nucléaire RAS » et un Question à la Une spécial nucléaire.
Le premier parlait de l’extrême précarité des travailleur du nucléaire en Europe. De plus en plus de d’opérateurs nucléaires font en effet appel à des sous-traitants pour l’entretien de leurs réacteurs. Ces sous-traitants, parfois exposés à des radiations importantes de par la dangerosité de leur travail, mettent en péril leur santé. Si le recours aux sous-traitants s’est généralisée dans la filière nucléaire, c’est surtout pour que le lien entre le danger radioactif, l’opérateur et l’employé ne puisse plus s’opérer (facilement), ce qui dédouane ainsi la filière nucléaire en général et les électriciens en particuliers de leurs responsabilités sociales, sanitaires et environnementales.
Le Question à la Une quant à lui était consacré à l’approvisionnement électrique en Belgique. La thématique centrale était « Pouvons-nous vraiment nous passer du nucléaire ? ». Les nucléocrates ont ainsi eu une magnifique tribune. Tout était fait pour démontrer l’impossibilité de mettre en application la loi (initiée par Ecolo) de fermeture progressive des réacteurs nucléaires belges … car sans ces réacteurs ce serait le black out. Heureusement, ce reportage fut l’occasion pour le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele d’asséner un argument massue, qui est assez peu mobilisé dans ce débat : pourquoi faudrait-il assurément remplacer cette électricité actuellement produite par nos réacteurs nucléaires par de l’électricité créée en Belgique ? Et on met à part la nécessaire réduction de la consommation !
La plupart des biens de consommation courants des Belges (y compris alimentaires, malheureusement) ne sont pas produits sur le territoire national, et y sont pourtant consommés sans état d’âme. L’entièreté des autres énergies (gaz et pétrole) sont forcément importées ! Mais pour l’électricité, ça non, il faut être autonome. Autonome, laissez-moi rire ! Nos réacteurs nucléaires et nos centrales thermiques classiques sont quasiment tous la propriété de grands groupes … étrangers. Au surplus, comme si l’uranium était extrait en Gaume ou dans le Condroz !
Aujourd’hui, déjà, parce que la Belgique est à la traîne en matière d’énergie renouvelable, de nombreux consommateurs d’électricité verte belges achètent sans le savoir, de l’électricité à l’étranger, comme ils achètent des pommes d’Italie ou des voitures allemandes. Et le gestionnaire de notre réseau électrique haute-tension, Elia, vous fait savoir par d’envahissants spots radios qu’elle « transporte (déjà !) de l’électricité provenant des éoliennes de la Mer du Nord et de barrages hydroélectriques situés dans les Alpes » (écoutez-les ici). Si même Elia – filiale d’Electrabel – le dit …
Il n’y aura donc pas de black out. Les différentes réseaux d’Europe sont interconnectés. Nous ne pourrons pas couvrir l’entièreté du territoire wallon d’éoliennes, de centrales de biométhanisation ou de panneaux photovoltaïques, évidemment, mais la Mer du Nord peut aussi accueillir les premières, le Sahara ou l’Espagne, les seconde. Et ce n’est qu’un exemple.
L’enjeu est de savoir qui va vendre à toute l’Europe l’énergie du futur, celle que tout les consommateurs s’arrachent déjà : l’énergie verte. Veut-on positionner la Belgique à la pointe en cette matière ? Et dès lors, proposer à moyen terme une offre énergétique verte, bon marché, sûre et inépuisable … et donc concurrentielle sur un marché européen devenu unifié ? C’est un choix à faire. A Ecolo, nous l’avons fait.
Quel lien tout ça a-t-il avec Didier Donfut ? C’est plutôt passé inaperçu, mais ce ministre était payé comme consultant par une intercommunale de distribution d’énergie (électrique entre autre) et de l’avis de proches du dossier ce dernier, lors de ses missions extra-ministérielles, « a effectué un lobby caricatural pour Electrabel ». Et vous vous demandez pourquoi la transition vers l’énergie verte ne se fait pas plus vite en Wallonie ? Décidément, bon débarras !