OGM (2)
Les peupliers OGM dont je vous parlais dans lâarticle prĂ©cĂ©dent sont dâores et dĂ©jĂ cultivĂ©s en champ. Il sâagit en fait dâun micro-champ de quelques dizaines de mĂštres carrĂ©s. VariĂ©tĂ©s « sauvages » et « mutantes » cohabitent dans cette parcelle clĂŽturĂ©e. Il sâagit uniquement de peupliers femelles, qui ne peuvent donc pas polliniser dâautres arbres. Les risques de dissĂ©mination dans lâenvironnement sont donc nuls. Câest un aspect que jâignorais et qui, dans cet ocĂ©an dâinquiĂ©tudes, mâa un peu rassurĂ©.
Je pense que des institutions publiques qui effectuent des recherches fondamentales, crĂ©ant et manipulant des OGM dâun point de vue dĂ©sintĂ©ressĂ© a priori, peuvent avoir un sens. Que ces recherches aient lieu dans la sphĂšre strictement scientifique (et non commerciale), pourquoi pas. Dans tous les cas, le cadre lĂ©gal doit rester trĂšs strict et contrĂŽlĂ© afin dâĂ©viter la dissĂ©mination dans lâenvironnement, selon le principe de prĂ©caution. LĂ oĂč je suis vraiment interloquĂ©, câest en voyant le milieu Ă©conomico-scientifique oĂč ces recherches-ci sont effectuĂ©es. Lâobjectif de recherche est conditionnĂ© (de façon plus ou moins explicite) Ă lâidĂ©e de leur transformation rapide en produits industriels. Le sacro-saint principe de rentabilitĂ© pourrait donc facilement prendre le pas sur dâautres, comme le principe de prĂ©caution.
Bien au-delĂ des risques potentiels pour la santĂ© et lâenvironnement (toujours incertains), ce qui mâinquiĂšte ici, câest la position prise par de grosses sociĂ©tĂ©s comme GSK, Monsanto ou BASF, dans cette structure semi-publique et ses projets scientifiques. Compte tenu de la lĂ©gislation belge assez stricte en la matiĂšre, des plantes OGM  aujourdâhui dĂ©veloppĂ©es Ă Gand, mais non plantĂ©es en sol belge, sont cultivĂ©es dans des rĂ©gions du monde (essentiellement en AmĂ©rique du Nord et du Sud) oĂč le cadre lĂ©gislatif est plus laxiste ⊠et oĂč ces mastodontes industrielles ont des filiales.
Mon objection essentielle par rapport aux OGM, et cette crainte est confirmĂ©e par la visite du BIM, câest le poids pris par les grosses sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques et agro-alimentaires dans leur dĂ©veloppement et leur commercialisation. Les OGM sont devenus un moyen pour ces sociĂ©tĂ©s de contrĂŽler de façon radicale et monopolistique le marchĂ© agricole mondial, et de supprimer ainsi lâagriculture vivriĂšre, dans nos rĂ©gions mais surtout dans les pays du Sud. Jâajoute que si jamais les OGM passaient au stade industriel en Belgique, la dissĂ©mination de ces organismes dans lâenvironnement sonnerait le glas lâagriculture bio. Or, cette façon de cultiver est celle qui a tout simplement produit nos fruits et nos lĂ©gumes depuis ⊠toujours.
Dans ce cas-ci le problĂšme est selon moi Ă©conomique avant tout. Pour Ecolo, le lĂ©gislateur doit donner la direction, lâobjectif. Sâil permet par les lois quâil adopte, lâĂ©mergence dâune recherche appliquĂ©e sur les OGM, il donne un signal aux opĂ©rateurs financiers dâaller investir dans cette direction. Si, comme nous le prĂ©conisons, le lĂ©gislateur reste intraitable sur la plantation dâOGM sur le sol belge, les opĂ©rateurs financiers se dĂ©tourneront de ces hasardeuses aventures.
Une chose est sĂ»re, la Flandre a fait le choix des OGM comme vecteur de dĂ©veloppement Ă©conomique. Je pense, comme d’autres, que câest un cul-de-sac stratĂ©gique, pour plein de raisons, dont la plus prosaĂŻque est lâabsence de marchĂ© Ă court terme ⊠à cause de la mĂ©fiance des consommateurs Ă ce sujet. La Wallonie devrait, forte de cet exemple, se lancer Ă corps perdu dans la promotion de lâagriculture bio, qui est un vĂ©ritable marchĂ© porteur, qui a dĂ©montrĂ© sa rentabilitĂ© et son intĂ©rĂȘt.
Une chose est sĂ»re, ThĂ©rĂšse et moi nâĂ©tions pas lĂ pour arracher ces quelques peupliers, bien que lâenvie aie pu nous prendre Ă certains moments. Pour moi, ces peupliers sont â câest le cas de le dire – lâarbre qui cache la forĂȘt. Evidemment que personne ne peut sâopposer Ă 4 ou 5 sympathiques scientifiques qui font de la recherche fondamentale sur des arbres inoffensifs. Mais regardons dans quel cadre et avec quels objectifs leurs recherches sont menĂ©es : rentabilitĂ© maximale et rapide ⊠sous le regard bienveillant de multinationales pharmaceutico-alimentaires Ă vocation monopolistique. Et lĂ , ça fait rĂ©flĂ©chir.