Egypte (3)

Publié le 22/03/11
RĂ©digĂ© par 
Jeremie Spinazze

Comme vous le savez, l’armĂ©e a toujours jouĂ© un rĂŽle capital dans l’histoire contemporaine Ă©gyptienne. Lors des Ă©vĂšnements de janvier et fĂ©vrier, elle Ă©tait encore le pivot du changement de rĂ©gime : c’est en dĂ©cidant de ne pas contrer le vaste mouvement populaire que l’armĂ©e a renforcĂ© les contestataires et au final, leurs revendications. C’est vrai qu’au final elle dĂ©tient le pouvoir (elle ne l’a en fait jamais perdu) mais quel contraste avec la situation libyenne !

Char
Un char dans Le Caire islamique

Dans l’Egypte d’aujourd’hui, vous croisez littĂ©ralement un char Ă  tous les coins de rue. C’estd’ailleurs assez cocasse quand on y pense. Que pourrait faire un char de 50 tonnes face Ă  des troubles ou assaillants potentiels ? Tirer un obus ? Dans les rues Ă©troites – par exemple – du Caire islamique ? L’enjeu on l’a compris est tout autre : il s’agit d’une occupation symbolique du terrain (absolument tous les terrains). On m’a expliquĂ© que dans l’esprit d’une majoritĂ© d’Egyptiens, l’armĂ©e apparaissait comme la garante de cette RĂ©volution. Pour reprendre les termes qui m’ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s plusieurs fois : « Sous Nasser, c’est la population qui a validĂ© et protĂ©gĂ© le coup d’Etat contre Farouk. En 2011, ce sont les Egyptiens ont fait la RĂ©volution que l’armĂ©e dĂ©sormais protĂšge ». Mais auraient-ils le choix ?

Ça peut sembler bizarre d’un point de vue europĂ©en, mais l’armĂ©e est vue ici comme une structure rassurante, quand bien mĂȘme Moubarak en soit issu, et mĂȘme si c’est au fond un rĂ©gime militaire qui gĂšre ce pays depuis la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que cette armĂ©e emploie beaucoup de monde, comme soldats bien sĂ»r mais pas seulement ! Elle joue un rĂŽle essentiel dans bon nombre de secteurs de la vie Ă©conomique comme l’agriculture ou la fabrication d’Ă©quipements. D’ailleurs, quand on compare la perception que la population a de la police et de son ex-patron Habib el-Adli, l’armĂ©e garde un immense prestige. La police a par contre rĂ©primĂ© les mouvements, dans le sang. Une haine populaire fĂ©roce rend el-Adli responsable de tous les maux, et de tous les morts, parfois plus que Moubarak ou sa famille.

Pendues aux rĂ©troviseurs de nombreuses voitures ou plaquĂ©es sur les murs du Caire, des affiches reprennent le portrait des hĂ©ro.ĂŻne.s (souvent trĂšs jeunes) tombĂ©.e.s sous les balles de la police lors de la RĂ©volution. L’armĂ©e a les mains propres de ce point de vue. Il n’est pas impossible que vue l’interpĂ©nĂ©tration trĂšs forte entre les trĂšs nombreux militaires et la population (chaque famille a un en son sein), l’hypothĂšse mĂȘme d’une rĂ©pression militaire a Ă©tĂ© rapidement abandonnĂ©e. Elle Ă©tait d’autant plus inenvisageable que c’est contre ses frĂšres ou sƓurs que le militaire aurait du se battre.

Aujourd’hui, les militaires postĂ©s dans les lieux Ă  forte affluence en sont rĂ©duits Ă  ĂȘtre des sujets de clichĂ©s touristiques. Les Egyptiens montent sur les chars en faisant un signe de victoire, et s’y font photographier, en masse. L’armĂ©e toute puissante est souvent vue comme la complice du peuple, qui dĂ©couvre chaque jour qu’il a modifiĂ© le monde, son monde. Quand  Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprĂȘme des forces armĂ©es, a dĂ©barquĂ© sur la Place Tahrir pour y prendre la parole, tout le monde s’est tu. LĂ -bas, ils ont envie de croire que les militaires ne confisqueront pas cette RĂ©volution. Le rĂ©fĂ©rendum du week-end dernier montre que l’armĂ©e n’a pas menti sur son calendrier, mais la route est longue. Inch’Allah.

(Ă  suivre)

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