Tache bleue
Fin 2010, le Parlement wallon votait un dĂ©cret qui empĂȘchera le cumul des mandats entre parlementaire et toute autre fonction locale, sauf pour quelques-un.e.s, compromis avec PS et cdH oblige. Voici quelques jours, deux dĂ©putĂ©s wallons MR introduisaient un recours en annulation contre ce dĂ©cret auprĂšs de la Cour constitutionnelle. Parlons-en !
Inutile de revenir longuement sur les avantages quâapportera le dĂ©cumul dâun point de vue Ă©thique. Câest dâailleurs la raison pour laquelle Ecolo le pratique dans les faits depuis sa naissance. Le dĂ©cumul empĂȘche les conflits dâintĂ©rĂȘt entre niveaux de pouvoir, permet au plus grand nombre de participer Ă la vie dĂ©mocratique (partage des mandats) et offre lâopportunitĂ© Ă chaque parlementaire (et donc chaque mandataire local) de se consacrer Ă temps-plein Ă la tĂąche pour laquelle il/elle a Ă©tĂ© Ă©lu.e et pour laquelle il/elle payĂ©.e (!).
Regardez ce spectacle affligeant des commissions parlementaires et autres hĂ©micycles vides, faute de dĂ©putĂ©s, car nombreux sont celles/ceux qui sont aussi bourgmestres ou Ă©chevin.e.s et qui utilisent lâexcuse diplomatique dâĂȘtre retenu.e.s sur « le terrain local ». Essayez de placer une sĂ©ance de commission un vendredi, vous les entendrez hurler (histoire vĂ©cue).
Au niveau symbolique, câest jouissif, je lâavoue : voir de nombreux vieux crocodiles PS et cdH hurler au loup parce quâon leur enlĂšve leur parcelle de pouvoir de potentat local ⊠voter quand mĂȘme un texte quâils abhorrent. Voir aujourdâhui le MR contester le texte en allant jusquâĂ un recours Ă la Cour constitutionnelle, câest ahurissant. OubliĂ©es toutes les promesses bleues de « bonne gouvernance » ! Imaginez, si en 2009 le MR Ă©tait allĂ© au pouvoir avec le PS ou Ecolo en Wallonie, aurions-nous eu ce dĂ©cret ? Non.
La victoire est surtout stratĂ©gique. Et câest lĂ que je veux en venir. Ecolo, en se donnant ses rĂšgles internes de non-cumul mettait volontairement et consciemment ses candidat.e.s dans une situation stratĂ©giquement dĂ©favorable.
Contrairement Ă leurs concurrents â ils/elles ne pouvaient pas bĂ©nĂ©ficier des effets Ă©lectoralement trĂšs favorables du clientĂ©lisme communal (opportunĂ©ment rebaptisĂ© « travail de terrain local ») pour faire le plein de voix lors dâĂ©lections Ă un autre niveau de pouvoir. Entendons-nous, Ecolo effectue lui aussi un « travail de terrain » au niveau local et fort brillamment dâailleurs, parce que nos mandataires lâeffectuent Ă temps-plein, sans cumuler avec autre chose. Or câest clair : ĂȘtre Ă©chevin.e ou bourgmestre en Ă©tant aussi dĂ©putĂ©.e permet Ă celles/ceux qui cumulent dâoffrir une large palette de services Ă leurs concitoyens, ce qui explique leurs scores Ă©lectoraux « concentrĂ©s » dans leurs fiefs.
DĂ©sormais, et sous lâimpulsion dâEcolo (seul) : chacun sa spĂ©cialitĂ©, chacun son job. Cette rĂšgle ne va pas rĂ©gler le problĂšme du clientĂ©lisme, il va en limiter la possibilitĂ©. Cette rĂšgle nâempĂȘchera jamais personne de changer de niveau de pouvoir pour lâexercice de responsabilitĂ©s au grĂ© des besoins et des envies, elle va simplement imposer Ă ces personnes de choisir. Ăvidemment que nâimporte qui pourra utiliser son capital sympathie local pour se faire Ă©lire au niveau rĂ©gional, mais alors il changera de job, et effectuera ce dernier Ă plein-temps. Et ça, câest un changement profond des mĆurs politiques, que le MR â visiblement â ne souhaite pas.