Données personnelles (1)

Publié le 16/10/13
Rédigé par 
Jeremie Spinazze

Ça arrive à la fin de chaque année parlementaire : des dossiers que le Gouvernement veut faire passer en force. C’est le cas de la loi sur la collecte de données, votée à la va-vite en juillet dernier (le rapport complet est ici). Elle vise à transposer dans le droit belge une vieille directive européenne de 2006. En octobre 2009 déjà, j’avais interrogé le Ministre de la Justice de l’époque pour savoir comment elle serait transposée. J’insistais déjà pour que le débat démocratique sur ce type de norme ne soit pas bâclé … et c’est arrivé 4 ans plus tard, de la pire façon qui soit.

La directive a pour objectif affiché de lutter contre le terrorisme : elle oblige les fournisseurs d’accès Internet et téléphoniques, fixes ou mobiles, à conserver les « données du trafic » de leurs clients comme des informations sur les URL consultées, la longueur, l’emplacement et la durée d’une communication téléphonique, mais aussi la date précise et la taille des SMS, et ce pendant au moins 6 mois. Ainsi les services de sécurité et de renseignement belges pourront consulter ces données accumulées.

La Belgique a décidé d’être plus tatillonne, puisque notre loi oblige les fournisseurs à garder ces informations durant 12 mois. Cette masse représente du coup une immense base de données, constituée aux frais des fournisseurs et donc de leurs clients. Quand on connaît la porosité récemment démontrée des serveurs du leader belge des télécommunications qu’est Belgacom, cette loi apparaît comme particulièrement maladroite.

Je reviendrai plus tard sur ce blog sur les arguments avancés lors de ce micro-débat parlementaire et tous les enjeux. Mais j’aimerais ici parler d’un phénomène inquiétant et pourtant quasi-invisible auquel le vote de cette loi participe. L’affaire PRISM a démontré que ces gigantesques bases de données sont devenues la cible de l’appétit des services secrets américains (surtout), russes, chinois ou autres. La collecte généralisée des données crée de facto la possibilité pour les logiciels espions de mettre en œuvre ce qui s’appelle non plus de l’espionnage mais de la surveillance généralisée.

Le monde du renseignement anglo-saxon a changé de paradigme. D’un système où il mettait sous écoute quelques personnes suspectes au nom de la lutte contre le crime ou le terrorisme, il est passé à un modèle où les données d’absolument tout le monde sont récoltées et donc potentiellement analysables. Ceci veut donc dire que dans un tel système, tout citoyen est a priori suspect. C’est la fin des principes de présomption d’innocence et de respect de la vie privée. Nous sommes en pleine dérive.  (à suivre)

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