Paille & poutre

Publié le 29/01/14
RĂ©digĂ© par 
Jeremie Spinazze

Le 15 janvier dernier, ma collĂšgue Vanessa Matz (cdH) posait une question Ă  Didier Reynders (MR) sur la situation prĂ©occupante des droits de l’Homme en Turquie. Dans sa rĂ©ponse, le Ministre des Affaires Ă©trangĂšres a fait une digression au picrate sur sa vision de la sĂ©paration de l’Ă©glise et l’Etat :

“[…] Je suis rĂ©guliĂšrement amenĂ© Ă  parler avec mon homologue et avec d’autres collĂšgues turcs pour leur demander d’ĂȘtre attentifs au respect de certaines valeurs fondamentales. […]  Pour ma part, je leur parle rĂ©guliĂšrement de la sĂ©paration entre l’église et l’État et de la non‑intrusion du religieux dans le fait politique. […] Il n’est pas toujours facile de faire passer le message au dĂ©part de Bruxelles. Par exemple, au parlement turc, les signes religieux sont interdits mais, quand toutes les camĂ©ras de tĂ©lĂ©vision turques viennent filmer la prestation de serment d’une jeune femme voilĂ©e au parlement bruxellois, il devient trĂšs difficile d’expliquer le message que l’Union europĂ©enne veut faire passer Ă  la Turquie. Chaque formation politique doit s’interroger de temps en temps sur la consĂ©quence des actes posĂ©s chez nous, et qui sont observĂ©s de l’étranger. Ces actes peuvent Ă©galement avoir des consĂ©quences ailleurs. Ce que l’on fait dans la capitale de l’Europe n’est pas sans influence sur ce qui ce passe parfois dans des pays du pourtour mĂ©diterranĂ©en.”

Or, en juillet 2012, le mĂȘme Ministre Reynders a signĂ© avec “l’Ordre Souverain Militaire Hospitalier de Saint Jean de JĂ©rusalem, de Rhodes et de Malte” un “MĂ©moire d’Entente” afin de collaborer Ă  des “projets humanitaires et caritatifs“. Comme vous le lirez dans une rĂ©ponse Ă  l’une de mes questions, le SPF Affaires Ă©trangĂšres finance sur base de son budget “prĂ©vention des conflits” le dĂ©veloppement d’une sĂ©rie de services de santĂ© liĂ©s Ă  la petite enfance au sein de l’hĂŽpital de la Sainte-Famille de l’Ordre de Malte Ă  BethlĂ©em.

Pour ma part, je me contrefous de savoir si une reprĂ©sentante du peuple porte un foulard au Parlement. Ce qui compte c’est ce que la femme politique en question a dans la tĂȘte, pas dessus. Et je combats dĂ©mocratiquement ce qu’elle a dedans !

Un Ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ă©cologiste n’aurait pas signĂ© de traitĂ© avec l’Ordre de Malte : il existe des ONG ou des instances plus qualifiĂ©es pour la coopĂ©ration. Mais pour replacer les choses dans leur contexte, les pouvoirs publics belges financent l’enseignement ou des hĂŽpitaux catholiques. CoopĂ©rer avec un ordre religieux pour aider au fonctionnement d’un hĂŽpital en Palestine correspond, disons, Ă  une tradition belge d’accommodement par rapport au fait religieux. Cet exemple prouve toutefois que pour Reynders l’application du principe de sĂ©paration stricte entre l’Ă©glise et l’Etat dĂ©pend visiblement de la religion concernĂ©e.

En fait, Didier Reynders devrait relire l’histoire (religieuse) de la paille et la poutre.

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