Paille & poutre
Le 15 janvier dernier, ma collĂšgue Vanessa Matz (cdH) posait une question Ă Didier Reynders (MR) sur la situation prĂ©occupante des droits de l’Homme en Turquie. Dans sa rĂ©ponse, le Ministre des Affaires Ă©trangĂšres a fait une digression au picrate sur sa vision de la sĂ©paration de l’Ă©glise et l’Etat :
“[…] Je suis rĂ©guliĂšrement amenĂ© Ă parler avec mon homologue et avec dâautres collĂšgues turcs pour leur demander dâĂȘtre attentifs au respect de certaines valeurs fondamentales. […] Pour ma part, je leur parle rĂ©guliĂšrement de la sĂ©paration entre lâĂ©glise et lâĂtat et de la nonâintrusion du religieux dans le fait politique. […] Il nâest pas toujours facile de faire passer le message au dĂ©part de Bruxelles. Par exemple, au parlement turc, les signes religieux sont interdits mais, quand toutes les camĂ©ras de tĂ©lĂ©vision turques viennent filmer la prestation de serment dâune jeune femme voilĂ©e au parlement bruxellois, il devient trĂšs difficile dâexpliquer le message que lâUnion europĂ©enne veut faire passer Ă la Turquie. Chaque formation politique doit sâinterroger de temps en temps sur la consĂ©quence des actes posĂ©s chez nous, et qui sont observĂ©s de lâĂ©tranger. Ces actes peuvent Ă©galement avoir des consĂ©quences ailleurs. Ce que lâon fait dans la capitale de lâEurope nâest pas sans influence sur ce qui ce passe parfois dans des pays du pourtour mĂ©diterranĂ©en.”
Or, en juillet 2012, le mĂȘme Ministre Reynders a signĂ© avec “l’Ordre Souverain Militaire Hospitalier de Saint Jean de JĂ©rusalem, de Rhodes et de Malte” un “MĂ©moire d’Entente” afin de collaborer Ă des “projets humanitaires et caritatifs“. Comme vous le lirez dans une rĂ©ponse Ă l’une de mes questions, le SPF Affaires Ă©trangĂšres finance sur base de son budget “prĂ©vention des conflits” le dĂ©veloppement d’une sĂ©rie de services de santĂ© liĂ©s Ă la petite enfance au sein de l’hĂŽpital de la Sainte-Famille de l’Ordre de Malte Ă BethlĂ©em.
Pour ma part, je me contrefous de savoir si une reprĂ©sentante du peuple porte un foulard au Parlement. Ce qui compte c’est ce que la femme politique en question a dans la tĂȘte, pas dessus. Et je combats dĂ©mocratiquement ce qu’elle a dedans !
Un Ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ă©cologiste n’aurait pas signĂ© de traitĂ© avec l’Ordre de Malte : il existe des ONG ou des instances plus qualifiĂ©es pour la coopĂ©ration. Mais pour replacer les choses dans leur contexte, les pouvoirs publics belges financent l’enseignement ou des hĂŽpitaux catholiques. CoopĂ©rer avec un ordre religieux pour aider au fonctionnement d’un hĂŽpital en Palestine correspond, disons, Ă une tradition belge dâaccommodement par rapport au fait religieux. Cet exemple prouve toutefois que pour Reynders l’application du principe de sĂ©paration stricte entre l’Ă©glise et l’Etat dĂ©pend visiblement de la religion concernĂ©e.
En fait, Didier Reynders devrait relire l’histoire (religieuse) de la paille et la poutre.