Tache bleue

Publié le 28/06/11
RĂ©digĂ© par 
Jeremie Spinazze

Fin 2010, le Parlement wallon votait un dĂ©cret qui empĂȘchera le cumul des mandats entre parlementaire et toute autre fonction locale, sauf pour quelques-un.e.s, compromis avec PS et cdH oblige. Voici quelques jours, deux dĂ©putĂ©s wallons MR introduisaient un recours en annulation contre ce dĂ©cret auprĂšs de la Cour constitutionnelle. Parlons-en !

Inutile de revenir longuement sur les avantages qu’apportera le dĂ©cumul d’un point de vue Ă©thique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Ecolo le pratique dans les faits depuis sa naissance. Le dĂ©cumul empĂȘche les conflits d’intĂ©rĂȘt entre niveaux de pouvoir, permet au plus grand nombre de participer Ă  la vie dĂ©mocratique (partage des mandats) et offre l’opportunitĂ© Ă  chaque parlementaire (et donc chaque mandataire local) de se consacrer Ă  temps-plein Ă  la tĂąche pour laquelle il/elle a Ă©tĂ© Ă©lu.e et pour laquelle il/elle payĂ©.e (!).

Regardez ce spectacle affligeant des commissions parlementaires et autres hĂ©micycles vides, faute de dĂ©putĂ©s, car nombreux sont celles/ceux qui sont aussi bourgmestres ou Ă©chevin.e.s et qui utilisent l’excuse diplomatique d’ĂȘtre retenu.e.s sur « le terrain local ». Essayez de placer une sĂ©ance de commission un vendredi, vous les entendrez hurler (histoire vĂ©cue).

Au niveau symbolique, c’est jouissif, je l’avoue : voir de nombreux vieux crocodiles PS et cdH hurler au loup parce qu’on leur enlĂšve leur parcelle de pouvoir de potentat local 
 voter quand mĂȘme un texte qu’ils abhorrent. Voir aujourd’hui le MR contester le texte en allant jusqu’à un recours Ă  la Cour constitutionnelle, c’est ahurissant. OubliĂ©es toutes les promesses bleues de « bonne gouvernance » ! Imaginez, si en 2009 le MR Ă©tait allĂ© au pouvoir avec le PS ou Ecolo en Wallonie, aurions-nous eu ce dĂ©cret ? Non.

La victoire est surtout stratĂ©gique. Et c’est lĂ  que je veux en venir. Ecolo, en se donnant ses rĂšgles internes de non-cumul mettait volontairement et consciemment ses candidat.e.s dans une situation stratĂ©giquement dĂ©favorable.

Contrairement Ă  leurs concurrents – ils/elles ne pouvaient pas bĂ©nĂ©ficier des effets Ă©lectoralement trĂšs favorables du clientĂ©lisme communal (opportunĂ©ment rebaptisĂ© « travail de terrain local ») pour faire le plein de voix lors d’élections Ă  un autre niveau de pouvoir. Entendons-nous, Ecolo effectue lui aussi un « travail de terrain » au niveau local et fort brillamment d’ailleurs, parce que nos mandataires l’effectuent Ă  temps-plein, sans cumuler avec autre chose. Or c’est clair : ĂȘtre Ă©chevin.e ou bourgmestre en Ă©tant aussi dĂ©putĂ©.e permet Ă  celles/ceux qui cumulent d’offrir une large palette de services Ă  leurs concitoyens, ce qui explique leurs scores Ă©lectoraux « concentrĂ©s » dans leurs fiefs.

Florine Pary-Mille veut encore et encore cumuler

DĂ©sormais, et sous l’impulsion d’Ecolo (seul) : chacun sa spĂ©cialitĂ©, chacun son job. Cette rĂšgle ne va pas rĂ©gler le problĂšme du clientĂ©lisme, il va en limiter la possibilitĂ©. Cette rĂšgle n’empĂȘchera jamais personne de changer de niveau de pouvoir pour l’exercice de responsabilitĂ©s au grĂ© des besoins et des envies, elle va simplement imposer Ă  ces personnes de choisir. Évidemment que n’importe qui pourra utiliser son capital sympathie local pour se faire Ă©lire au niveau rĂ©gional, mais alors il changera de job, et effectuera ce dernier Ă  plein-temps. Et ça, c’est un changement profond des mƓurs politiques, que le MR – visiblement – ne souhaite pas.

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