(this is not) a Miracle 4

Publié le 10/10/08
RĂ©digĂ© par 
Jeremie Spinazze


J’Ă©cris ces quelques lignes alors qu’Obama a entamĂ© une remontĂ©e significative dans tous les sondages de ces derniers jours. Il semble profiter des graves consĂ©quences de la crise boursiĂšre, en articulant habilement son discours – et ce depuis le dĂ©but de la campagne – sur l’Ă©conomie et la santé tandis que l’effet Sarah Palin (dont je vous ai parlĂ© ici) s’est amenuisĂ© au fur et Ă  mesure de plusieurs interviews-catastrophes totalement hilarantes. Je vous conseille les 3 caricatures que la comĂ©dienne Tina Fey de Saturday Night Live en a fait sur NBC, un vĂ©ritable buzz de fin de campagne !

Mais je veux vous parler aujourd’hui de mon sujet fĂ©tiche : le nuclĂ©aire. Car mĂȘme lĂ -bas, au bout du monde, le nuclĂ©aire est prĂ©sent. TrĂšs prĂ©sent puisque dans les annĂ©es 50 et 60, les Etats-Unis ont procĂ©dĂ© Ă  des essais (atmosphĂ©riques – sic ! – puis souterrains) de bombes nuclĂ©aires dans l’immense dĂ©sert du Nevada, Ă  200 km de l’affreuse ville de Las Vegas. Cette derniĂšre reprĂ©sente tout ce que je peux dĂ©tester : argent louche et parfois facile, prostitution, consommation effrĂ©nĂ©e, dĂ©raisonnable, ostentatoire et Ă©cƓurante. En plus, cette ville a la circonstance aggravante de produire chaque soir ce qu’il reste de Cher en alternance avec un Elton John devenu obĂšse comme 40% de ses hĂŽtes ! Mais cette immonde contrĂ©e a un tout relatif joyau : The Atomic Testing Museum.

Les essais nuclĂ©aires font dĂ©sormais l’objet d’une interdiction, suite Ă  un traitĂ© signĂ© par toutes les grandes puissances (surtout occidentales), ce qui n’a pas empĂȘchĂ© la CorĂ©e du Nord de procĂ©der Ă  un tir « illĂ©gal » voici un an. Mais durant des dĂ©cennies, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, des centaines de militaires et ingĂ©nieurs amĂ©ricains se sont succĂ©dĂ©s dans la petite bourgade artificielle du Nevada Test Site. Plusieurs dizaines de champignons atomiques ont donc fleuri Ă  la frontiĂšre quasiment directe de Sin City. Ces essais nuclĂ©aires dont vous voyez les magnifiques et terrifiantes photos ici et  ci-dessus sont prĂ©sentĂ©s comme des objets quasiment esthĂ©tiques (ce qu’ils sont … aussi).

J’ai appris quantitĂ© de choses lors de ma visite de ce musĂ©e trĂšs particulier. La premiĂšre est que les SoviĂ©tiques Ă©taient invitĂ©s Ă  chacune de ces joyeusetĂ©s ! Entre-nous, ce puĂ©ril spectacle me fait penser Ă  ces jeux de gosses : « regarde c’est moi qui ai la plus grosse ». Mais entendons-nous, les AmĂ©ricains, les bons comptes font les bons amis, Ă©taient invitĂ©s pour le match retour dans les steppes russes !

Ensuite, ce musée nous replonge dans la merveilleuse ambiance des 30 glorieuses, avec ses films vantant les trois avantages du nucléaire :

  1. Sa capacitĂ© Ă  nous dĂ©fendre des mĂ©chants rouges (si j’en ai une plus grosse que l’ennemi, il n’osera pas m’attaquer, le problĂšme, c’est que chacun en a chaque fois une plus grosse, y compris les « petits » qui eux aussi en veulent une grosse)
  2. Son potentiel énergétique qui semble illimité (le nucléaire civil, pas besoin de faire de dessin : ses déchets, son danger et son prix)
  3. Ses vertus thérapeutiques ! Alléluïa, la médecine nucléaire guérit certains cancers, le nucléaire est salvateur pardi ! Mais les bombes ou leurs essais (et les accidents nucléaires civils) ne créent-ils pas aussi ces cancers?

Chacune des salles composant cet intĂ©ressant musĂ©e est sponsorisĂ©e par une entreprise diffĂ©rente, active tantĂŽt dans le traitement des dĂ©chets, la vente d’arme ou la construction de rĂ©acteurs civils. On voit oĂč est l’intĂ©rĂȘt ! Evidemment, il s’ensuit une orientation totalement assumĂ©e dans la façon de prĂ©senter les choses, comme par exemple justifier Nagasaki, lancĂ©e deux jours aprĂšs Hiroshima, parce que « le Japon ne s’Ă©tait pas encore rendu » ! Par contre, c’est objectif. J’ai pu jouer sur de trĂšs belles consoles informatiques et ainsi apprendre Ă  classer les dĂ©chets nuclĂ©aires en fonction de leur durĂ©e de vie. Oui, vous pouvez lĂ©gitimement vous demander Ă  quoi j’ai passĂ© mes vacances.     😉

Tout est du mĂȘme acabit. Vous pouvez mĂȘme entendre le tĂ©moignage de militaires visiblement atteints de cancers avancĂ©s vous dire Ă  quels point ils sont fiers d’avoir participĂ© Ă  la dĂ©fense du monde libre, avec toutes ses consĂ©quences sur leur santĂ©. La lettre d’Einstein enjoignant Roosevelt Ă  dĂ©bloquer des fonds de recherche en 1941-1942 pour parvenir Ă  la rĂ©alisation de la premiĂšre bombe atomique amĂ©ricaine est particuliĂšrement mise en avant. Par contre, vous ne verrez rien du combat anti-nuclĂ©aire qu’Albert Einstein a ensuite menĂ© tambour battant !

De nombreux films jalonnent le parcours du musĂ©e. A chaque fois, la proximitĂ© des hommes par rapport au champignon Ă©tait frappante, voir alarmante. Le pire Ă©tait cette image de militaires qui se voyaient donner l’ordre de sortir de leur tranchĂ©e dĂšs l’Ă©closion du champignon. AprĂšs, on procĂšde Ă  des contrĂŽles mĂ©dicaux sur ces mĂȘmes hommes, dont des mesures de radioactivitĂ©. Terrifiant.

Aujourd’hui, tout ça semble de l’histoire ancienne. IrrĂ©elle. J’ai vu une photo de touristes photographiant un champignon atomique … de leur chambre d’hĂŽtel Ă  Las Vegas ! Sin City. La foi en la technologie salvatrice Ă©tait Ă  son comble. Cette chose immense dont seuls quelques Ă©rudits maĂźtrisent le fonctionnement semblait alors mettre tout le monde d’accord.

Comme l’Ă©crit le gĂ©nial AndrĂ© Gorz (rĂ©cemment disparu) dans son dernier recueil (j’y reviendrai sur ce blog), le nuclĂ©aire (militaire comme civil) est le sommet de la domination capitaliste. La bombe nuclĂ©aire en est l’ogive faĂźtiĂšre. Cette technologie profite (sic) Ă  quelques (Etats) riches sans que la masse (mondiale) n’en comprenne le fonctionnement et ne puisse en consĂ©quence en maĂźtriser la technologie. Les citoyens se sont vus dĂ©possĂ©dĂ©s de leur devenir, de leur autonomie, si pas – pour les plus malchanceux – de leur santĂ©, voire de leur vie.

Dans ce musĂ©e, sur toutes ces photos, dans tous les films, ingĂ©nieurs, militaires et ouvriers fument cigarette sur cigarette. A l’Ă©poque, on ne connaissait pas encore (si bien) les consĂ©quences du tabagisme sur la santĂ©. PĂ©riode d’insouciance et de foi en la technologie je disais ?

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