Client.e ou Citoyen.ne (3)
Une chose est commune Ă toutes ces rencontres de campagne : c’est la vision nĂ©gative du politique. QuantitĂ© de fois, on m’a dit : “rien ne changera”. Ou mieux : “qu’avez-vous Ă m’offrir” ? Je ne vais pas revenir sur cette question du clientĂ©lisme que j’ai abordĂ©e Ă deux reprises (ici et ici) sur ce blog prĂ©cĂ©demment.
J’aimerais ici vous raconter l’histoire d’un homme que j’ai rencontrĂ© Ă deux moments lors de cette campagne. La premiĂšre fois, il faisait partie d’un groupe de distributeurs pour des candidat.e.s cdH, au marchĂ© de Laeken. Pour la petite histoire, mes collĂšgues militant.e.s d’Ecolo avions eu quelques soucis avec plusieurs membres de son Ă©quipe. Alors que nous Ă©tions au mĂȘme endroit depuis une heure et demi, ils s’y sont imposĂ©s, en distribuant leurs tracts sur … le nĂŽtre. Ceci alors que nous Ă©tions en pleine discussion avec des citoyen.ne.s. passant par lĂ . Ca a commencĂ© Ă chauffer. Puis, le gars qui semblait coordonner la distribution est venu me trouver en me disant : “si tu cherches un boulot, viens me trouver“. Amusant.
Le 13 juin dernier, en allant voter au Palais du Midi, je croise un distributeur pour Souad Razzouk au croisement du Boulevard Lemonnier et la rue van der Weyden. Je lui signale gentiment que ce qu’il fait est interdit. En effet, le rĂšglement communal interdit de distribuer un quelconque outil de campagne Ă proximitĂ© des bureaux de vote le jour d’une Ă©lection. Il me rĂ©pond violemment “mais je gagne ma vie comment ?”. Alors s’engage une discussion et je lui dis : “je vous signale simplement que vous risquez des problĂšmes avec la police si elle vous trouve en train de distribuer ceci, on ne vous l’a pas dit ? “. Et puis il me rĂ©pond : “mais je vous connais, vous Ă©tiez Ă Laeken l’autre jour“. On a commencĂ© alors une discussion.
Ce trentenaire est sans-papier, et ne peut donc pas travailler – enfin – trĂšs difficilement, lĂ©galement parlant. Il distribue Souad Razzouk comme il distribuerait n’importe qui. Il m’a expliquĂ© l’Ă©norme difficultĂ© qu’il a Ă obtenir des papiers. C’est alors que vous prenez toute la mesure de l’absurditĂ© et la violence de sa situation. Il subit une procĂ©dure kafkaĂŻenne de rĂ©gularisation qui a Ă©tĂ© officialisĂ©e par circulaire ministĂ©rielle … finalement cassĂ©e par le Conseil d’Etat. Alors que la DĂ©putĂ©e ZoĂ© Genot avait dĂ©noncĂ© depuis le dĂ©but le caractĂšre fragile et peu rassurant de la circulaire (il fallait une loi !), le SecrĂ©taire d’Etat Melchior Wathelet a persistĂ©. RĂ©sultat, perte de temps, d’argent, d’Ă©nergie et d’espoir. Notre faux-militant cdH, doublement illĂ©gal, distribuait donc des tracts pour le parti qui est responsable de la politique dont il est la victime ! Absurde, mais vrai.
En 2008, j’Ă©crivais : “Lâaide sociale, la bourse dâĂ©tude, le logement social ou lâemploi public ne sont pas des marchandises nĂ©gociables contre un vote . Ce sont des droits. Chacun doit avoir lâoccasion dây prĂ©tendre si elle ou il remplit les critĂšres objectifs et justes qui ont Ă©tĂ© fixĂ©s pour en bĂ©nĂ©ficier.” J’ajouterais aujourd’hui : “et pareil pour les papiers !”