C’est donc pour rédiger une loi que l’Etat belge va payer 400.000 € à Clifford Chance !

Cette vliegwet est un monstre du Loch Ness du dossier « survol de Bruxelles ». Ca fait presque dix ans que les Ministres de Mobilité successifs travaillaient sur des projets qui n’ont jamais abouti, et pour cause. C’est une vieille revendication des entreprises Brussels Airport et Belgocontrol : graver dans le marbre les routes aériennes et l’« utilisation préférentielle des pistes » pour donner la priorité au développement économique de l’aéroport, au détriment de l’environnement et la santé de ses riverains. Toute modification des routes (et donc déplacement des nuisances) serait désormais soumise à une procédure très lourde et devrait être validée par un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, et non plus par une simple instruction ministérielle à Belgocontrol. Combiné à la mise en œuvre d’un Règlement européen dès l’été 2016, ceci rendrait difficile la mise en œuvre de la nuit environnementale (de 22h à 7h), ce qu’Ecolo-Groen et toutes les associations de riverains bruxelloises, flamandes et wallonnes demandent.

Il y a quatre grands chapitres dans ce projet. Les deux premiers expliquent comment seraient modifiées les futures routes aériennes et l’utilisation des pistes. Si une évaluation de l’impact sur la « capacité » (soit le rendement !) et la « sécurité » est rendue obligatoire, pour ce qui concerne l’impact sur la santé et l’environnement, le projet renvoie à une loi de 2006 (non respectée d’ailleurs à l’époque du Plan Wathelet).  Or, c’est bien cet équilibre économie / santé qui fait débat depuis quinze ans ! Où étaient les juristes de Clifford Chance ces 15 dernières années ? Pas en Belgique on dirait.

A plusieurs reprises, le Conseil d’État a rendu des avis au sujet des avant-projets des anciens Ministres Landuyt, Schouppe et Wathelet. Il a systématiquement fait remarquer que les compétences en matière aéronautique, d’acoustique (bruit), de santé, d’environnement et de sécurité qu’aborde cette future réglementation étaient imbriquées. Dès lors, toute vliegwet réclame un accord de coopération entre l’État fédéral et les Régions, ce dont il n’est pas question ici. Les entités fédérées n’ont pas du tout été abordées. Clifford Chance semble découvrir que notre Etat est fédéral.

Enfin, les deux derniers chapitres abordent la mise ne œuvre de d’une « instance indépendante de contrôle », via un « comité » chargé de la mise en oeuvre d’éventuelles restrictions d’exploitation de Brussels Airport. L’avant-projet Galant confie également à ce comité une mission de contrôle de l’application par Belgocontrol des normes (routes et pistes) figées dans une annexe à la loi … soit ce que l’administration (la DGTA qui dépend du SPF Mobilité) demande d’exercer depuis toujours !

En résumé : la Ministre Galant s’est illégalement adjoint les services d’un cabinet d’avocats hors de prix et notoirement incompétent en matière aéronautique pour rédiger un avant-projet anti-riverains qui vise à déposséder l’administration de compétences qu’elle devrait normalement exercer. C’est aussi ça, l’affaire Galant.