Face à ces nouvelles révélations, le Secrétaire général Ban Ki-moon relance l’enquête. Son objectif : mettre en lumière des éléments qui autrefois ne pouvaient pas être dévoilés car « classifiés », soit top secrets. Cinq décennies plus tard, la nécessité démocratique veut que ces éléments soient enfin connus. Chaque décideur qui agit aujourd’hui doit savoir que ses actes seront inévitablement connus demain. Dans cette optique, à l’été 2016, le Secrétaire général de l’ONU demandera aux Etats de pleinement participer à cette enquête et de « faire en sorte de lever le secret attaché à tous les documents qui sont toujours classés confidentiels plus de 50 ans après les faits ou de communiquer ces documents d’une autre manière ».

L’affaire prend alors une tournure belge. En septembre 2016, un projet de loi est déposé à la Chambre par le Ministre de la Justice et il sera voté dès mars 2017. Ce texte fourre tout élargit notamment de 30 à 50 ans le délai obligatoire de versement (et donc de déclassification) des archives de la Sûreté de l’État aux Archives générales du Royaume. Ce délai des 50 ans ne court pas à partir de la production du document mais à partir de la fin de son « utilité administrative », soit quand la Sûreté de l’État elle-même le décide. Des documents pourtant très anciens restent donc inaccessibles. Ecolo-Groen s’est alors farouchement opposé à cette nouvelle règle. Parallèlement, on apprend que les archives de la Sûreté coloniale et de la Force publique, qui devaient passer comme toutes les archives dites africaines du SPF Affaires étrangères aux Archives générales du Royaume, ont été discrètement transférées vers respectivement la Sûreté de l’État et le Service de renseignement militaire.

Mohamed Chande Othman

C’est dans ce contexte que les équipes du juge mandaté par l’ONU, Chande Othman, se sont donc rendues dans les différents Etats concernés. Lorsque j’ai demandé au Ministre Geens si les archives de la Sûreté de l’État avaient été consultées par les enquêteurs de l’ONU, celui-ci me répondra que non. Dans sa réponse de février 2017, il me précise que dans l’hypothèse où une future demande intervenait, la réponse de la Sûreté se ferait « dans les limites du cadre légal » (voir supra) et en respectant les « exigences résultant de la classification X et de la nature sensible des documents concernés ». En réponse à une nouvelle question que je lui ai posée en octobre 2017, le Ministre annoncera, dans des termes vagues, que la Sûreté a finalement transmis l’un ou l’autre document déclassifié à l’ONU.

Demain, le rapport d’enquête remis au nouveau Secrétaire général Guterres sera lisible sur le site de l’ONU. Grâce à un article paru dans le Figaro qui a visiblement eu accès au rapport en question, on apprend que Chande Othman estime que seul « un élan collectif visant à encourager les États-membres concernés au premier chef à identifier les données relatives à ce tragique incident […] nous autoriserait à compléter le puzzle, avant que ne s’estompe définitivement la mémoire de ceux qui ont péri à bord du vol SE-BDY ». Les réponses de la Belgique l’auront-ils aidé ?

(à suivre)