Tous des Nicolas

Publié le 19/05/09
RĂ©digĂ© par 
Jeremie Spinazze

Samedi dernier, une centaine de militant-e-s d’Ecolo ont dĂ©filĂ©, comme chaque annĂ©e, avec Groen Ă  la Belgian Lesbian & Gay Pride. Tous ensemble, nous avons distribuĂ© 6.000 mini tatouages aux acteurs et spectateurs de cette grande fĂȘte de la diversitĂ©, un record ! L’accueil fut extraordinairement positif. Un vrai grand moment militant.

J’ai la chance d’animer depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  la Commission Ecolo Nous Prend Homo, le seul groupe politique francophone qui travaille sur les questions LGBT, toute l’annĂ©e durant. Nous avons ainsi pu irriguer le programme Ecolo de multiples propositions novatrices et progressistes, totalement en phase avec le vĂ©cu et les attentes du monde associatif LGBT. Vous pouvez en lire les grandes lignes ici, ainsi que dĂ©couvrir les candidat-e-s qui portent ces projets.

Alors, pourquoi dĂ©filer, encore et encore alors que les trĂšs grands dossiers comme le mariage ou l’adoption homos sont dĂ©sormais aboutis ?

Une seule rĂ©ponse : Nicolas. Et cette personne pourrait s’appeler Sophie, Fatiha ou Kevin. Nicolas est un jeune gars de 17 ans, qui s’est suicidĂ© Ă  Enghien au dĂ©but de la semaine derniĂšre. Il n’a laissĂ© Ă  sa famille aucune trace expliquant son terrible geste. Mais ses proches savaient que Nicolas se sentait diffĂ©rent et le vivait mal. Comme de trĂšs nombreux gays ou lesbiennes, cet adolescent subit de plein fouet l’homophobie qui reste prĂ©gnante dans nos sociĂ©tĂ©s, mĂȘme particuliĂšrement tolĂ©rantes. Et la pire des homophobies est celle que l’on exerce contre soi-mĂȘme.

Je ne connais pas l’histoire de Nicolas dans le dĂ©tail, mais l’ado en questionnement que j’Ă©tais Ă  Huy il y a 14 ans a vĂ©cu le mĂȘme genre de doutes, d’interrogations, de peurs, d’effroi et de mal-ĂȘtre. A 18 ans, dĂ©barquĂ© Ă  Bruxelles, mon premier acte d’adulte Ă©tait d’aller donner mon sang Ă  la Croix-Rouge, comme mon grand-pĂšre l’a fait 40 ans durant. C’est alors que j’ai lu que les « hommes ayant eu des rapports sexuels avec d’autres hommes » Ă©taient interdits du don de sang. Imaginez l’effet qu’une telle interdiction peut avoir dans l’esprit d’un jeune. L’image de l’homosexuel (qu’il n’est parfois mĂȘme pas encore !) est alors prĂ©dĂ©gradĂ©e, forcĂ©ment liĂ©e Ă  la pire des maladies, Ă  l’horreur et la dĂ©pravation.

Pour justifier cette position, la Croix-Rouge et ses dĂ©fenseurs invoquent la prĂ©sence d’un nombre proportionnellement plus Ă©levĂ© de sĂ©ropositifs (ou autre) au sein de la population homosexuelle masculine que dans la population hĂ©tĂ©rosexuelle.

C’est une prĂ©valence tout Ă  fait rĂ©elle, qui justifie d’autant plus les actions de prĂ©vention ciblĂ©es sur les gays. Cependant, un-e hĂ©tĂ©rosexuel-le multipliant les rapports sexuels Ă  risque sera automatiquement Ă©cartĂ©-e du don de sang, pour des raisons sanitaires Ă©videntes. De la mĂȘme façon, un-e homosexuel-le qui a eu des comportements sexuels Ă  risque se doit d’ĂȘtre Ă©cartĂ©-e du don de sang. A l’heure actuelle, mĂȘme un candidat donneur homosexuel se prĂ©sentant dans un centre de la Croix-Rouge avec un test HIV nĂ©gatif se voit opposer un refus Ă  son don …

Rudy Demotte et Laurette Onkelinx (PS), les ministres fédéraux qui se sont récemment succédés à la Santé publique ont systématiquement soutenu la thÚse de la Croix-Rouge lors de plusieurs interpellations parlementaires de la Députée fédérale Zoé Genot en avril 2005, avril 2006, mai 2008 et tout derniÚrement en février 2009 (toutes lisibles ici).

Pour appuyer leurs positions, les ministres successifs invoquent systĂ©matiquement des Ă©tudes de l’Institut Scientifique de SantĂ© Publique dont le site Internet censĂ© reprendre la recherche en question est un modĂšle d’opacitĂ©.

Pour Ecolo comme pour moi, Laurette Onkelinx doit agir. Elle peut donner l’injonction Ă  la Croix-Rouge d’adopter un nouveau processus de sĂ©lection des donneurs. Il faut exclure du don de sang toute personne (hĂ©tĂ©rosexuelle ou homosexuelle) adoptant des comportements reprĂ©sentant un risque pour le receveur, sans stigmatiser d’emblĂ©e un groupe entier de donneurs sur base de leurs comportements sexuels prĂ©sumĂ©s.

VoilĂ  pourquoi il faut continuer le combat, dans les Gay Prides, dans les Parlements, dans la vie de tous les jours, en s’affirmant comme homosexuel-le-s partout oĂč on le peut, ni plus, ni moins, sans strass mais sans honte. La visibilitĂ© des homosexuel-le-s est fondamentale, dans tous les milieux, c’est la seule façon pour qu’un … Nicolas (ou un-e autre) ne commette pas l’irrĂ©parable, encore et encore.

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